PRANK ! (ça tourne mal) - Partie 2

Âge : 47 ans (09/11)

Devant le dossier de Colin Smogers, Jared n'avait rien laissé transparaître. Il était évident qu'il avait pour habitude de s'attirer des ennuis, et cela ne venait visiblement pas de nulle part. L'histoire de vie était particulièrement difficile, et en grandissant sans aucun cadre correct, l'enfant était parti à la dérive, faisant de lui quelqu'un de complètement inadapté à la société, et à la vie en général. A dix-huit ans, il devrait déjà avoir quitté Poudlard, au lieu de quoi il chantait à tue-tête dans une salle d'interrogatoire du niveau deux qu'il était une catin, et le contenu de ses poches s'étalait devant un Jared incapable de faire comme si de rien n'était.

Finalement, après avoir laissé le garçon seul à s'égosiller dans la salle pendant près de deux heures, il finit par ouvrir la porte à la volée, pour la refermer d'un geste sec avant de venir s'assoir en face de lui, les jambes croisées dans son costume impeccable.

- Monsieur Smogers, je tiens à vous remercier tout particulièrement pour l'ambiance musicale que vous amenez à ce lieu.

Le sourire poli qui accompagne la phrase n'adoucit en rien le ton glacial et sévère utilisé. Ses yeux perçants analysaient le jeune homme, sa posture avachie et ses perles de sueur qui tremblaient au coin de son front.

- Vous devriez cependant garder vos forces pour les deux jours à venir, je crains fort que la garde-à-vue ne vous convienne mal.

Toujours ce même sourire alors que les faits sont étalés.

- Je veux dire par là que vous ne trouverez aucune pilule magique dans nos cellules.

Il a l'air tellement cramé que Slater préfère préciser. Il n'est pas rare que ceux ayant trop abusé ne possèdent pas les capacités cognitives nécessaires pour additionner les données les plus basiques. Jared pousse alors un soupir.

- N'en avez-vous donc pas assez de notre compagnie ? Peut-être vous est-elle finalement agréable, vous semblez tellement tout faire pour nous rendre visite...

Le cynisme de Slater tranche dans l'atmosphère, sans la moindre pointe d'amusement dans sa voix grave et froide. Il s'adosse alors au dossier de sa chaise, sans quitter le jeune homme de son regard, et croise les bras sur sa poitrine.

- Alors dites-moi, Monsieur Smogers, qu'attendez-vous de nous ? De la suite des événements ? J'admets être curieux de connaître votre opinion. Et épargnez-moi vos habituelles imbécilités qui n'amusent que vous, veuillez-vous ? Je ne vous demande pas en tant que représentant de la loi, mais simplement en tant qu'homme. En tant qu'égal. Que souhaitez-vous faire de votre vie ?

Jared n'a pas pour habitude de perdre son temps. Mais laisser un gamin pareil livré à lui-même, c'est le laisser courir à sa perte.

Âge : 18 ans (13/05)

Une révérence est tirée sitôt les remerciements lancés, un affaissement bref du menton avant d'épingler aux lèvres un sourire brave d'une insolence certaine. Il ne laisse rien transparaitre de la déchéance qui fait lentement s'agréger le corps à l'intérieur tandis que la réclamation se fait sentir dans tous les nerfs. Le regard préfère passer au peigne fin les traits sévères de l'auror, son regard impassible, ses cheveux grisonnants, son costume impeccablement repassé.

- J'suis un grand fan, il réplique en un clin d'œil tandis que l'autre souligne ses visites régulières.

Les questions ont le mérite de lui faire froncer les yeux.

- Cosmo.

La correction s'est postée sur les lèvres sans y penser, pur réflexe après des années de pratique. Le reste le fait tout bonnement éclater de rire. Un long rire qui résonne contre les parois métalliques, d'un gris sempiternel et ennuyeux. Le silence l'avale finalement tout entier. C'est quoi ce clown. Il peut pas faire comme tout le monde, lui balancer sa sentence et l'envoyer en cellule pour ses heures de tortures bi-trimestrielles non ? Faut en plus qu'il l'enfonce ?

- J'vous demande simplement en tant qu'homme, il répète avec la voix du capitaine grise-mine, des doigts crochetés sur les angles en guillements, dans le faible espace permis par les menottes.

Prudemment il se penche comme pour révéler un grand secret, les doigts entremêlés sur la table en un monticule désordonné et légèrement tremblotant.

- Tu s'ras payé tout pareil si tu m'jete maintenant derrière les barreaux j't'assure.

Depuis quand ça fait dans le social les aurors ? La silhouette décharnée se replace dans le fond du siège, aussi affaissée qu'avant, mais les perles malachites demeurent scotchées sur l'agent zélé. Il a pas bougé d'un pouce, et vraisemblablement il attend toujours sa réponse.

- Ah mais j'comprends, c'est toi qu'avais envie d'causer parce que ta vie est un gros emmerdement. Le genre j'me tue au taff parce que ma femme veut plus baiser. C'est ça ? Non ? Donne un indice au moins, moi j'sens qu'je chauffe grave.

Il est en nage, d'ailleurs. Mais le type bronche pas. Le pied se met à frappe le sol frénétiquement sans qu'il s'en rende compte.

- Tu sais si t'attends j'paye mon amende ça peut durer, j'suis genre sur la paille. À sec complet. Plus une tune, nada. T'auras même pas un pot de vin à te fourrer dans ton beau costume.

Pas de réaction.

- Ou alors tu veux j'chante. J'peux chanter. T'as l'air de kiffer. J't'imagine plus vieux jazz tout naze mais j'ai un super répertoire de rock pour t'enlever le balai du cul tu sais.

Cosmo se remet à brailler. Un couplet tout entier de Queen. Pis sa propre voix s'éraille tandis que l'autre reste juste là à l'observer, et il commence à se demander s'il est pas juste tombé sur un siphonné du bocal. Du genre vraiment très con, au point de pas savoir faire d'autre truc que poser une question, attendre une réponse. Rien entre deux. Ça peut être long. Et il a soif. Et son cerveau l'brûle un peu par tous les bords, et le manque le fait s'humecter les lèvres à répétition, et c'est carrément chiant.

- C'est quoi l'idée, j'te raconte mes rêves inaccessibles et j'ai une remise de peine ? T'veux j'te baratine combien de temps avant de réaliser que ça sert juste à rien ? Parce que j'peux t'inventer tout un délire mais on sait tous les deux que ce sera du bullshit.

L'énervement a percé sur le bout d'une langue sèche, et les pupilles ont l'air plus perçantes que d'ordinaire.

- C'est évident non ? Où j'vais finir. Pourquoi t'veux j'te l'épèle, connard ? Tu vois bien, j'respire, c'est déjà pas mal. Tu d'vrais essayer des fois, t'aurais l'air moins constipé.

Cette fois Cosmo tourne la tête. Inspire. Expire. Il a l'impression d'être en train de tomber, sans tomber. Il a rien pris depuis trop longtemps, c'est le dernier endroit où il veut se trouver en étant en manque, mais faut en plus qu'il se farcisse un putain de mongole qu'a décidé d'élargir la sentence jusque la salle d'interrogatoire. Comme si ça suffisait pas qu'il passe quarante huit heures en cellule derrière. Pourvu qu'Arya soit sortie.

Âge : 47 ans (09/11)

Il est vrai que Jared ne sera guère payé plus en essayant d'aider le jeune homme. Cependant, s'il voulait davantage d'argent, il aurait probablement choisi un autre métier que celui d'Auror. La rémunération au département des Mystères était largement meilleure que celle à laquelle il a le droit actuellement. Il laisse donc l'autre s'agacer tout seul, à débiter des âneries plus grosses que lui, sans se départir de son air glacial et impassible. Il se contente de l'observer, attendant qu'il daigne enfin lui offrir quelque chose pour travailler. Il trouvait ses provocations pathétiques, et se doutait que jusqu'à présent, c'était grâce à elles qu'il avait repoussé le peu de mains qui s'étaient tendues vers lui.

Lorsqu'enfin le jeune homme s'énerve suffisamment pour se montrer un tant soit peu sincère, il esquisse un sourire triste.

- Commençons par le commencement. Je m'engage à vous appeler Cosmo, et en retour vous vous engagez à faire preuve d'autant de respect envers moi que j'en ai envers vous. Cela commence évidemment, par cesser toute insulte et me vouvoyer.

Slater marque une pause, comme pour laisser infuser l'information. Il ne laisse cependant pas à l'énergumène en face de lui le temps de reprendre ses élucubrations, levant une main afin de stopper directement toute provocation qui pourrait lui venir à l'esprit.

- Ceci étant dit, ce qui vous semble évident ne l'est guère pour moi. Et si respirer vous semble déjà une victoire, je crains qu'elle ne soit de courte durée si vous continuez sur cette voie. Je vais donc vous énoncer une évidence de mon côté : la drogue tue. Au-delà du corps, elle tue l'âme et l'esprit.

L'auror n'est pas dupe, ce genre de discours ne risque pas de créer un quelconque changement chez le jeune homme. Il devait cependant passer par là en espérant que cela trouve un écho chez lui plus tard, lorsqu'il sera prêt à l'entendre et à l'accepter. Ce qui risque de prendre pas mal de temps s'il en jugeait pas les réactions de l'adolescent.

- Evidemment, j'ai lu votre dossier. Je sais qui est votre mère. Je sais ce qui est arrivé à votre frère. Et j'ai été navré de l'apprendre.

La voix de l'homme garde son timbre froid et officiel. Il ne laisse paraître rien d'autre qu'une sincérité certaine, sans pour autant que cela ne puisse être pris pour une brèche dans laquelle s'engouffrer pour les petits jeux du plus jeune.

- En ce qui concerne vos rêves inaccessibles ou votre baratin habituel, je pourrais tout aussi bien pénétrer votre esprit pour y avoir accès. Ce ne serait cependant pas très respectueux.

Une fois de plus, l'accent est mis sur le mot le plus important aux yeux de Jared.

- Aussi j'aimerais l'entendre directement de vous : qu'attendez-vous de la vie, Cosmo ? Pourquoi êtes-vous toujours là, si rien n'a d'importance à vos yeux ? Pourquoi jouer un jeu alors même que vous êtes déjà persuadé de l'avoir perdu ?

Âge : 18 ans (13/05)

Le mec le soule. Premier degré, même. Plus inflexible qu'une porte de prison, avec le ton qui racle les parois et lui donne envie de se tortiller sur sa chaise. Les perles malachite ont quitté le visage austère pour balayer la rainures qui forment l'angle de la pièce, au sol, étudier toutes les crasses qui ont pu s'y déposer dans les dernières jours. Un moment son attention se reporte sur l'auror, l'air vaguement, très faussement surpris.

Mais non, la drogue tue ?

Putain le mec le soule. Vraiment très premier degré. Avec ses évidences et ses phrases joliment construites qu'on dirait qu'il faut que y ait encore moins de pli que dans son costume. À la mention de sa mère, puis de son frère, tout le corps de Cosmo se raidit, et de nouveau le regard vient se planter dans la crasse pour plus s'en relever. La mâchoire serrée, il l'entend sans plus vraiment l'écouter. Ça fait juste un bourdonnement un peu chiant qui remplit la pièce, s'emmêle sous ses boucles, pour jamais lui rentrer dans le crâne.

J'ai été navré de l'apprendre.

Navré de quoi, d'abord, c'est pas lui qui l'a tué. Pourquoi les gens sont toujours navrés. Navré, désolé, comme s'ils y avaient la moindre responsabilité. C'était déjà arrivé à Cosmo d'y répondre à un désolé. Par un : ah mais c'était vous ?! Le choc, théâtral, avait installé un tel malaise qu'il avait fini par se marrer à gorge déployé. Ça avait fait fuir la boule qu'il se trainait dans le fond de la gorge, dénoué brièvement cet énorme sac de nœud dans l'estomac. Pis tout s'était tranquillement remis en place, et le rire s'était étranglé sur la langue, et il s'était mordu jusqu'au sang, et il s'était dit que vraiment être navré ça lui fait franchement une belle jambe.

Y a des questions qui sont tombées. Il le sait parce que y a un silence dans la pièce. Un silence depuis plusieurs secondes au moins, alors qu'il regardait la crasse l'encrasser. Il sent qu'il sue, et il sent qu'il fatigue, et aussi qu'il tremble de l'intérieur, un peu comme si y avait un vertige qui le faisait tomber à l'intérieur de lui. Ses neurones essaient tant bien que mal de reconstruire les bourdonnements pour récupérer des mots, des phrases, un peu tout ce que l'autre a bien pu raconter. Un éclat le traverse, fait étinceler la salle d'une soudaine hilarité. Moins d'une poignée de secondes, avant d'être aussitôt ravalée par le silence. Puis un autre, et un autre encore.

Et plus rien. Le regard s'accroche à l'auror, un défi dans le regard, une incompréhension qui lui flingue les abords des pupilles. Ce serait pas très respectueux. On s'en est pas toujours inquiété en ce qui le concerne. De le respecter. Cosmo fronce un peu les sourcils avant de s'avancer pour croiser les bras devant lui et faire correctement face à l'autre, comme pour le jauger. Y a ceux qui parlent bien mais qui sonnent faux, et c'est à peu près tout. Il en connait aucun qui parle bien mais qui sonne vrai. Parce que ça existe pas.

- J'sais pas, il finit par admettre en toute sincérité.

Un sourire sarcastique lui a étiré les lèvres presque sournoisement, sans même qu'il réalise.

- J'devrais pas y être du tout, mais j'y suis, alors j'y reste, ça veut pas dire que j'ai choisi. Je joue pas moi, j'respire c'est tout, c'est comme je t'ai dit.

C'est pas comme s'il avait pas essayé. De tout arrêter. De rejoindre Curly. Comme tout le reste de sa misérable vie, il avait pas réussi. Pas parce que quelqu'un l'en avait empêché, pas même parce qu'un truc avait mal tourné non, ça aurait fait une putain de bonne excuse : non il avait juste pas réussi. Il avait eu peur à en chialer, et il avait pas réussi.

- J'attends rien capische ? Alors j'sais pas si t'avais un formulaire à remplir là mais tu vois moi j'coche pas bien les cases parce qu'il m'en manque alors t'as qu'à mettre inapte, ça passe partout ça inapte, et après c'est bon on dira t'as bien fait ton taff.

Et son respect il peut se le foutre au cul. Le dos se rabat violemment contre le dossier de la chaise tandis qu'il détache son regard de l'auror pour se raccrocher à la crasse, une jambe secouée impatiemment.

Âge : 47 ans (09/11)

La résignation dont fait preuve l'adolescent est d'une tristesse sans nom. A son âge, Slater était déjà en formation chez les Aurors, plein de rêves et de grandes idées, prêt à en découdre pour prouver au monde entier ce que signifiait faire partie de l'élite. Avec le temps, l'arrogance de la jeunesse avait laissé place à une confiance calme et inébranlable, tandis que ses valeurs s'étaient précisées pour devenir plus réalisables. Il se trouvait devant son exact opposé, sans parvenir à accepter que quelqu'un de si jeune soit réellement perdu. Il ne se trouvait pas en face d'un criminel, simplement de quelqu'un qui avait désespérément besoin d'aide sans vouloir l'admettre ni l'accepter. Et le jeune homme a raison : ce n'est pas son travail d'insister. C'est cependant dans ses valeurs.

- Je ne pense pas que vous soyez inapte, Monsieur Smogers.

Voilà un mot pour le moins déplaisant. On pouvait être inapte à quelque chose, mais sûrement pas inapte à la vie. Un sourcil se hausse en voyant le minois se froncer à l'utilisation du nom complet.

- Ma proposition tient toujours, nous risquons de discuter un petit bout de temps, je vous conseille donc d'y repenser si vous voulez que je vous appelle comme vous le désirez.

Jared n'est pas pressé. Il n'a rien qui l'attend chez lui, si ce n'est une bouteille de Pur Feu. Caleb est en sécurité entre les murs de Poudlard, aussi préfère-t-il essayer plus longtemps d'espérer pouvoir faire une différence. Il ne s'en voudrait pas d'échouer à provoquer un déclic chez le gamin. Il s'en voudrait cependant de ne pas réellement essayer. Après de nouvelles longues secondes à observer l'adolescent, Jared finit par se saisir d'une plume et d'un parchemin pour y griffonner quelques mots avant d'appeler Zébulon. Le petit elfe apparaît alors aussitôt en un craquement.

- Monsieur a appelé Zébulon ?
- Donne ça à notre potionniste et amène moi un café et un verre d'eau je te prie.
- Oui Monsieur, Monsieur peut compter sur Zébulon.

Et la créature disparaît comme elle est venue, laissant Slater reporter toute son attention sur le jeune homme tandis qu'il croise les jambes avant de lisser légèrement son pantalon dans un geste de réflexion.

- Ne pensez-vous pas que tout cela serait plus agréable si vous ne vous contentiez pas de respirer, comme vous le dites si bien ? Le temps vous paraîtrait moins long. Peut-être même parviendrez-vous à vous trouver une utilité quelconque. Une aptitude.

Le sourire sarcastique qui suit l'appui du mot en dit long sur le fait qu'être inapte n'est guère une explication suffisante pour l'Auror pour justifier un tel laisser aller. Zébulon apparaît alors de nouveau, un plateau entre ses maigres mains, qu'il dépose sur la table avant de s'en aller avec une révérence respectueuse. Slater se saisit aussitôt de la potion qu'il verse dans le verre d'eau avant de le faire glisser vers Cosmo, puis attrape son café pour goûter le breuvage amer avec une expression satisfaite.

- Buvez. Vous allez passer au minimum quarante-huit heures en notre compagnie, cette potion vous aidera à tenir sans vos pilules habituelles. Aussi fan soyez-vous de nous, je doute que cela suffise à prévenir d'une crise.

Cette fois-ci, le cynisme de s'accompagne d'aucun sourire. Le bureau s'occupe de junkies bien trop souvent pour ne pas être équipé comme il se doit. Aucun interrogatoire digne de ce nom ne peut être mené en face de quelqu'un qui ne pense qu'à la prochaine dose qu'il pourra s'envoyer.

Âge : 18 ans (13/05)

Le Monsieur Smogers le voit se crisper momentanément. Il garde le silence, ses yeux perchés sur la stature austère qui lui fait face, et une frustration grandissante sous la peau. L'apparition de l'elfe attire son attention, sans qu'il bouge pour autant. Les secondes ont l'air de passer au ralenti. Il a aucune idée depuis combien de temps il est coincé dans cette foutue pièce, mais ça parait carrément une éternité.

- Elle est où Ari ? Il demande subitement.

Plutôt que de répondre au sujet de l'aptitude, évidemment. Parce que c'est tout ce qu'il a en tête. Ari. Ari qui veut bien passer du temps avec lui. L'engager même, le payer pour juste être là et lui souffler des idées ridicules, ou peut-être en fait parce qu'il est doué. Même que pendant un temps il a cru qu'elle reviendrait pas parce qu'elle avait compris à quel point il était une perte de temps et d'argent, pis elle était revenu quand même, et c'est bien qu'elle voyait quelque chose chez lui que peut-être lui il voyait pas.

- Elle est rentrée hein ? Parce que c'est moi qui l'est ouvert la porte, elle a fait qu'me suivre. C'est écrit dans mon dossier qu'j'ouvre des portes, elle elle en a pas de dossier, parce que c'est pas une criminelle et tout ça. C'est juste moi. C'est ça mon aptitude, ouvrir des portes, il rit bêtement, le regard complice planté sur celui pas complice du tout de l'auror.

Cosmo parle de plus en plus vite. Il a la bouche méga sèche, et il sent que la sueur gagne du terrain. Son cœur part en couille un peu aussi. Il est agité. Fatigué. Excité. En même temps. Les yeux se posent sur la potion avec un genre de méfiance, mais il hésite moins d'une seconde avant de la choper pour l'avaler cul-sec. Parce qu'il a foutrement soif en fait. Ça lui laisse un goût super amer dans la bouche, et il grimace à moitié. Mais surtout, ça a l'air de lui détendre un peu tous les nerfs d'un coup, et de lui foutre comme un électrochoc au milieu du cerveau qui lui redonne un semblant de vigueur.

- Cool, il glisse au milieu de son rictus. Cool cool cool, il répète en regardant un peu partout autour de lui avant de reporter son attention sur Slater.

Ses doigts font des percussions sur la table. Les secondes continuent de passer. Une putain d'éternité. À se regarder dans le blanc des yeux sans rien s'dire. Il est plutôt conscient que ce type là va gagner à ce petit jeu, parce qu'il faudra pas longtemps avant que le manque revienne. Moins de quarante-huit heures. Il va quand même pas rester là pendant quarante-huit heures si ? À juste le regarder dans son costume tout propre ?

- J'bosse avec elle, Ari, il finit par annoncer, sur le ton de la discussions. Ça t... Ça vous en bouche un coin hein ? Le vouvoiement est insinué là, parce qu'il déteste les Monsieur Smogers, alors si y a que ça pour lui faire plaisir. Même qu'elle a un business. On est super fort, fin là on a merd... fin on a... fait une erreur quoi. Ça arrive ça, des erreurs, j'suis sûr vous en faites aussi des erreurs.

Les yeux font l'ascenceur pour scruter l'auror de haut en bas.

- Ou pas. Faites pas d'erreur vous. M'enfin bref, le reste du temps on est pas si mauvais. C'est elle le cerveau de l'opération, évidemment. Vous doutez bien. Une reniflement méprisant pour lui-même. Mais j'lui file un coup de main ouais, j'lui donne des idées et tout. Pis même des fois j'fais le guet. J'fais super bien l'guet. C'facile de faire le guet.

S'il parle autant c'est pour occuper l'espace, mais surtout le temps. Les secondes passent, et il les oublie un moment, quand il cause, parce que c'est un truc qu'il sait bien faire, et que vraiment si c'est tout c'que l'autre il veut ben il peut bien lu donner. Causer. De ses aptitudes.

- Alors voilà, moi j'sais respirer, causer, ouvrir de portes, faire le guet, et même des fois tout ça en même temps.

Bon début. Gros CV. Si avec ça le type arrive pas à l'orienter franchement.

Âge : 47 ans (09/11)

L'air austère et impassible de Slater ne s'efface pas, bien qu'enfin, l'une des réponses du gamin lui convienne, lui donne quelque chose pour cesser de piétiner avec lui. Et ça vient directement de lui. Malgré la piètre image qu'il tente de renvoyer de lui-même, il tient à son amie, suffisamment pour vouloir la protéger et prendre tout le blâme sur lui uniquement. Slater finit donc par simplement hocher la tête pour confirmer.

- Mademoiselle Butler est bien rentrée à Poudlard, son frère est venu la chercher alors que je venais vous voir.

Et alors qu'il parle enfin - sans doute un peu trop à présent - l'Auror ne le quitte pas de son regard glacé et intransigeant, sans laisser la moindre émotion paraître sur son visage dur, mais engrenant chaque petite information avec une minutie dont il est le seul à pouvoir faire preuve. Avec un calme exemplaire, il se saisit de nouveau de sa tasse de café pour la terminer pendant qu'elle est encore chaude. S'il y a bien une chose qu'il déteste presque autant que l'irrespect, c'est bien le café froid. Il redépose alors le tout sur la table, avant de remplir de nouveau d'eau le verre du jeune homme d'un geste de la main, sans même sembler s'en apercevoir.

- Et bien, voici une liste qui s'allonge de seconde en seconde, nous parviendrons bientôt à une étendue de compétences insoupçonnées.

Enfin, un léger sourire fend le visage de l'Auror, pour accompagner le ton sarcastique. Il n'en relève pas moins le fait que l'adolescent s'est enfin décidé à le vouvoyer, prouvant ainsi qu'il n'est pas totalement hermétique aux propos que peuvent tenir Jared.

- Il m'arrive de faire des erreurs, je suis un être humain. Je fais cependant tout ce qui est en mon pouvoir pour limiter leurs conséquences, et ne jamais les réitérer. Ce qui ne semble pas être votre cas, Cosmo.

Pour la première fois, Jared fait voleter à lui le dossier du jeune homme. Dossier pour le moins épais, contenant notamment plusieurs effractions et possessions de drogues - il faut toutefois lui reconnaître que les quantités retrouvées prouvent qu'il ne s'agit là que de sa consommation personnelle, et non d'une tentative de revente. Il ouvre alors le dossier, pour parcourir les pages une à une devant lui, sans vraiment s'arrêter sur l'une d'elle, jusqu'à tourner la dernière et le refermer d'un geste sec, pour plaquer la paume de sa main dessus.

- Par chance, Monsieur Hemingway a décidé de ne pas porter plainte contre vous, ni contre Mademoiselle Butler. Votre amie conservera donc un casier judiciaire vierge, et cette charge ne sera pas ajouté au vôtre.

Voilà qui devrait le rassurer concernant la soeur de Peter à qui il semble réellement tenir. Avant de le laisser se réjouir un peu trop, et qu'il ne puisse demander pourquoi il se trouve toujours ici si aucune plainte n'a été déposée, Jared poursuit :

- Cependant, la drogue que mes collègues ont trouvé sur vous a été saisie, et puisque ce n'est pas la première fois que vous vous retrouvez dans nos services à cause de cela... C'est amplement suffisant pour que vous restiez en garde-à-vue. Puis que celle-ci soit prolongée légalement, et enfin qu'un procès à votre intention soit ouvert. Et la récidive finit rarement sur une simple amende ou quelques travaux d'intérêts généraux. A vue de nez, pour votre dossier je parierai pour... Dix ans minimum.

Il peut finir derrière les barreaux pour de bon, et Jared veut qu'il en soit conscient. Il n'a plus de nouvelle chance à brûler, celle qui lui est offerte ici, est la dernière, et il ferait bien de la saisir sans la gâcher.

- Je réitère donc ma question, Cosmo. Que souhaitez-vous pour la suite des événements ?

Âge : 18 ans (13/05)

Arya est rentrée. Cosmo a récupéré le second verre d'eau pour le vider lui aussi d'une traite avant de s'installer plus encore au fond de son siège, vachement plus détendu tout à coup. Arya est rentrée. Le reste lui importe pas franchement, même s'il continue d'écouter l'auror en face de lui. Pas vraiment par respect. Plutôt parce qu'il a pas grand chose de mieux à faire. L'épaisseur de son propre dossier le fait pas broncher, c'est à peine s'il éprouverait pas même un peu de fierté qu'on ait tant de chose à dire sur lui dans un seul endroit.

Les dix ans minimum par contre, le font ouvrir la bouche assez grand, avant de la refermer aussi sec. La perspective de la prison lui a jamais fait peur. En fait, il se doute pas mal que c'est là-bas qu'il va terminer. Là-bas où dans le caniveau. Là-bas, puis dans le caniveau. L'un dans l'autre ça terminera tout pareil. Il pensait juste pas en avoir pour autant de temps avec juste le paquet d'infractions qu'il se trainait. Il avait jamais blessé personne. Tué personne. Juste baladé de la drogue, et emprunter deux trois trucs qui lui appartenaient techniquement pas.

- Dix ans ?

La question a l'air oubliée. Celle sur la suite des évènements. C'est qu'il a l'air de s'y accrocher vachement le type, alors que vraiment après l'étalage que Cosmo vient de lui faire, il devrait avoir compris. Lâché l'affaire.

- J'veux dire dix ans c'est pas une sentence de criminel super sérieux ?

C'est une vraie surprise. Pas vraiment de la fierté, ou alors juste un peu. Le loser par excellence qui sait rien faire de ses dix doigts, pis qui en dix-huit ans d'existence arrive à cumuler un dossier assez gros pour taper la décennie derrière les barreaux. Franchement ça ressemble presque à un accomplissement.

- Fin j'veux dire, dix ans c'est pas tant non plus. Regardez ça fait presque dix ans j'suis à Poudlard et c'est passé comme ça, il claque des doigts. Ça fera dix ans de plus dans un autre genre d'internat. Les devoirs et les exams en moins, et avec que de la bouffe gratuite. Savez quoi... il se penche un peu comme pour avouer un secret. Ptet c'est pas si mal comme suite, si vous voyez c'que je veux dire. Poudlard peut pas me garder éternellement, et à choisir j'ai pas envie d'finir enterré dans un appartement miteux comme...

Maman.

- ... le clampin moyen.

Même qu'Arya monterait son business et l'engagerait comme elle a dit, suffirait de quelques mois pour qu'elle réalise que d'autres feront beaucoup mieux l'affaire. Alors il fera quoi quand il aura vraiment plus une tune, et plus d'endroit où crêcher parce que sa mère aura perdu l'appart à force de filer ses tunes aux dealers hein ? Dans le caniveau, voilà où on le retrouvera. Et au choix en fait il sait bien c'est quoi qu'est mieux. D'abord la prison. Dix ans. Hop. Plus tard le caniveau. C'est froid un caniveau. Froid et humide, et on t'y donne pas de bouffe, et on y crève tout seul.

Âge : 47 ans (09/11)

Un instant, Jared pensa que l'adolescent avait compris ce qu'il essayait de lui expliquer. L'instant passa cependant rapidement alors que l'autre continuait son délire en essayant de se persuader que la prison n'était pas si mal. Il poussa un profond soupir en s'adossant un peu plus à son dossier, les bras croisés sur la poitrine tandis que ses yeux froids observaient le gamin sans la moindre émotion visible. Il resta ainsi de longues secondes, laissant le silence s'étirer jusqu'à en devenir gênant, puis se leva de sa chaise en refermant le dossier d'un geste sec. D'une main, il boutonna de nouveau sa veste de costume tout en prenant la parole.

- Ainsi soit-il. Une fois votre garde-à-vue achevée vous recevrez la date de votre procès sous peu. Etant donné que vous êtes toujours étudiant, vous pourrez rester à Poudlard le temps qu'une décision soit prise concernant votre condamnation. Evidemment, quitter le château vous sera interdit sous peine d'ajouter encore à vos accusations.

Il ne pouvait s'en vouloir, il avait essayé. Le gamin refusait purement et simplement qu'on l'aide, et il n'avait ni le temps ni l'énergie de le forcer. Il avait essayé de le convaincre, mais les choses devaient venir de lui, sinon elles étaient vouées à l'échec. Il l'observa une dernière fois d'un oeil critique avant de récupérer le dossier qu'il cala sous son bras.

- Un collègue vous conduira en cellule. Souvenez-vous de cet instant lorsque vous vous rendrez compte qu'une incarcération n'a rien à voir avec Poudlard. Vous pouvez encore donner un sens à tout cela.

Slater avait tendance à penser que la prison n'avait rien d'une volonté de réhabilitation. C'était simplement une punition. Ceux qui en sortaient devenaient souvent des criminels bien pires que ce qu'ils étaient en y entrant. Non seulement ils étaient soumis sans cesse à la violence et à la loi du plus fort, mais en plus ils pouvaient en profiter pour apprendre tout un tas de choses de leurs codétenus. Et il ne s'agissait que rarement d'une bonne recette de cuisine.

- Bonne fin de journée, Cosmo.

Le ton officiel mettait un terme à tout cet entretien qui n'avait été qu'une immense perte de temps, au grand regret de Slater. La porte se ferma sèchement derrière lui, et l'adolescent dut attendre une bonne demie heure avant que Pierce ne vienne le chercher pour l'emmener en cellule.